L’ EPEE

                             L’épée se compose de quatre parties.

- La lame

De plus de 30cm, la lame a deux tranchants que l’on appelle aussi taille ou fil, le côté de la lame est le plat. Le premier tiers à partir de la pointe, le plus fin, est le faible, le dernier tiers, le plus épais, est le fort.

Le faible correspond à la partie la plus effilée de la lame, utilisée pour la taille lorsque le type de l’épée le permet, ainsi que pour les entailles. Le fort, lui, sert à recevoir la lame adverse dans les techniques de déviations des frappes adverses.

La géométrie de la lame varie à travers le temps avec comme souci principal l’adaptation à un travail donné, lié au contexte technologique et militaire de l’époque. On distingue ainsi des caractéristiques permettant de qualifier une arme :

- le profil général de la lame regroupe trois grandes catégories :

  •  Lame à tranchants larges et parallèles: épée adaptée principalement à la taille (épée longue du XIIIe siècle)

  • Lame à profil triangulaire à tranchants larges: épée adaptée à l’estoc et à la taille (épée longue du XVe siècle)

  • Lame sans tranchant : épée d’estoc (rapière de la fin du XVIIe, épée de cour du XVIIIe)

  • Une lame correctement créée présente aussi un profil non uniforme dans le sens du tranchant : le tranchant est plus épais près de la garde qu’à la pointe, ceci depuis les toutes premières épées et pour des raisons de répartition des masses, d’équilibre et de vivacité de la lame.

- la section de la lame est également une donnée clef :

  • Section diamant (losangéiforme allongée) : lame moins tranchante mais très rigide et légère : épée d’estoc, et dans une moindre mesure de taille (épée longue du XVe siècle, rapière du XVIIe)

  • Section hexagonale : génère une lame moins tranchante, mais rigide et lourde : épée de taille et d’estoc destinée à couper/casser des matériaux durs (cotte de mailles et plaquettes, par exemple)

  • Section carrée ou triangulaire à pans creux : lame de pur estoc (épée de cour du XVIIIe). Quantité et répartition de la matière optimisée dans la section.

    la pointe est arrondie et aplatie pour une épée typée taille, et acérée et plus épaisse pour l’estoc.

  • Les gouttières : celles-ci sont destinées à alléger la lame tout en conservant ses principales propriétés mécaniques. Cela diminue aussi la section de la lame, et sa densité, ce qui occasionne en général une perte de rigidité (surtout si la gouttière parcourt presque toute la lame). Les gouttières sont donc principalement présentes sur les lames à section lenticulaires et tranchants parallèles. Une épée qui veut prétendre à de bonnes facultés d’estoc en est dépourvue (ou quasiment).

  •  Le ricasso : présent sur les épées de la fin du Moyen Âge et surtout à partir de la Renaissance, c’est une partie du fort de la lame non affutée, éventuellement protégée par des anneaux, voire des petits quillons, qui sert, selon la taille de l’arme, soit à placer une main (grande épée à deux mains des soldats « Double Solde » de la Renaissance), soit l’index, en avant de la garde (rapière, permet un meilleur contrôle en estoc).

  • La garde protégeant la main, la garde peut être constituée soit de deux quillons perpendiculaires au corps de l’épée et donnant la forme d’une croix, soit d’une coquille, généralement en demi-sphère, qui enveloppe la main, soit des deux. On peut aussi avoir un capuce qui est un arc de cercle reliant la coquille au pommeau. Elle peut avoir des formes décoratives, et parfois inclure des ornementations supplémentaires (diamants incrustés, couleurs…).

    Les premières épées sont dépourvues de garde ou quasiment. Les quillons apparaissent en premier: ils permettent d’arrêter, voire de capturer une lame filant le long de l’épée. Au fil du temps ils sont de plus en plus grands, jusqu’à l’apparition de la rapière où ils rétrécissent pour finalement être intégrés à la garde en corbeille, avant de disparaître totalement sur les épées de cour. Les quillons ne sont pas une protection idéale: il faut sans cesse orienter l’épée correctement pour arrêter la lame adverse, sous peine de la laisser passer. Par contre, de nombreuses techniques d’escrime médiévale se basent sur une utilisation plus « offensive » des quillons, utilisant leurs propriétés pour dévier et coincer activement la lame adverse, justement avec un contrôle précis de leur orientation, permettant ainsi de placer un estoc ou une entaille après avoir dévié et emprisonné un coup de taille. Les quillons peuvent aussi à l’occasion avoir un usage purement offensif en tant qu’instrument perforant, comme la pointe d’un marteau de guerre.

    À la base de la garde côté lame, la chape est un lambeau de cuir qui peut être attaché à la garde de l’épée. Appelé également protège pluie, elle sert à protéger l’embouchure du fourreau et empêcher l’eau de pénétrer dedans. Cette pièce de gros cuir très solide joue également le rôle d’une protection rudimentaire pour les doigts dans le cadre d’une escrime faisant un bon usage des quillons.

    Au début de la Renaissance, les quillons se voient doublés d’anneaux de part et d’autre du plat de la lame, dessinant un « 8″ et permettant en plus une vraie protection des mains. Lorsque l’épée longue fait place à la rapière, les lames ne sont presque plus utilisées pour la taille, aussi les quillons perdent-ils de leur intérêt. Dans l’évolution suivante les lourds et solides quillons des épées médiévales sont devenus inutiles, aussi se développent de multiples artifices de protection pure : anneaux, puis garde en corbeille des rapières italiennes, garde en coquille, plus simple et plus efficace mais moins élégante, sur les rapières espagnoles, ou opérant une synthèse des deux sur les rapières à la Pappenheimer. On voit l’apparition du pas-d’âne, élément intercalaire entre la garde et la poignée, qui comporte généralement deux anneaux, disposés dans le plan de la lame, dans lesquels passer les doigts pour accroître le contrôle sur la lame. Mais les rapières elles-mêmes tendent ensuite à s’alléger, et une différenciation commence à s’opérer entre l’arme lourde de guerre, et l’arme civile ou de parade, légère et esthétique. Pour les civils, c’est l’émergence de la petite épée, ou épée de cour, tandis que les cavaleries lourdes, principalement, adoptent fortes-épées et wallonnes, qui renouent avec les capacités de taille un temps négligées.

    Ces armes lourdes ont une monture solide, généralement à deux fortes coquilles plates ajourées ou à plateau, et branches de garde, en fer ou en laiton fondu. Elles évolueront vers les belles et bonnes gardes à branches en laiton, à des sabres et épées militaires post-révolutionnaires. L’épée civile, généralement à lame triangulaire à pans creux, est utilisable exclusivement d’estoc. La garde est généralement composée de deux petites coquilles décorées, dont parfois l’une est rabattable, et qui portent alors le nom de « claviers ». Une unique branche de garde vient parfois agrémenter ces montures légères, faites pour une escrime très occasionnelle, sinon pour la parade pure et l’affichage du rang social.

- La poignée 

  • La soie est un prolongement de la lame, allant en s’amincissant vers le pommeau, sur lequel s’enfile la garde, la poignée, et ledit pommeau. Généralement, la soie forme une sorte de queue à la lame, et se trouve cachée dans la poignée, mais sur certaines épées en bronze anciennes, et sur d’autres exemples historiques (comme le Messer, certaines scramasax ou langsax), la soie est parfois « à plate semelle », c’est-à-dire plate et formant le profil de la poignée, alors composée de deux côtes ou plaquettes fixées par rivets sur la plate semelle, au contraire d’une soie traditionnelle sur laquelle la poignée est enfilée. Le pommeau peut être soit rivé en bout à la soie, soit vissé dessus.

    Historiquement, les poignées ont été confectionnées de toutes les façons qu’il est possible d’imaginer. Parfois, une simple bande de cuir était enroulée autour d’une forte soie, mais généralement, sur l’épée viking ou médiévale, la poignée est faite de deux demi coques de bois, avec aménagement pour la soie, recouverte d’une épaisseur de cuir (bande enroulée ou pièce unique cousue longitudinalement). Pour accroitre la prise, on enroulait assez espacé un fil de matière végétale entre les coques de bois et la pièce de cuir : une fois la pièce de cuir cousue en place, on enroulait alors un autre fil, généralement plus décoratif, le filigrane, entre les saillies laissées par le fil sous-jacent. Sur les épées plus tardives, quand on s’est mis à vouloir les faire d’un aspect plus léger (rapières, puis épées de cour, mais aussi fortes-épées), la poignée commence à prendre une forme plus fine, mais renflée au milieu. On donne alors à cette poignée le nom de « fusée » (terme dont l’usage peut cependant être étendu à toute poignée sur soie, en opposition aux plates semelles dont la poignée est formée de côtes). Elle peut être réalisée selon la méthode précédente avec bois et cuir, soit en recouvrant le bois de filigrane de fer, de laiton ou d’argent torsadés (et autres métaux précieux pour les armes de prestige), enroulés serrés et recouvrant alors toute la surface de la fusée, soit même de bronze ou de laiton fondu, ce qui permet de faire des manches durables figurant des motifs (décoratifs ou en vue d’une meilleure prise)

- Le pommeau

  • Le pommeau est l’extrémité de l’épée la plus proche de l’escrimeur. Il sert de butée, évitant que la main glisse de la poignée. Il peut aussi servir à l’occasion pour porter un coup. Les pommeaux sont généralement fais de bois. Ils ne servent pas alors de contrepoids, qui réduirait la puissance des coups de taille et en ferait une arme aisément balayée sur le côté par un adversaire.

    Les épées vikings en service entre le VIIIe et le XIe siècle disposent d’un pommeau en fer plein, qui vient remplacer les épées vikings de la période précédente qui avaient des pommeaux en anneaux creux. À partir du XIIIe siècle, les épées bâtardes européennes se dotent d’un pommeau en métal plein, afin d’équilibrer cette lame plus longue. Dites à “une main et demie”, ces épées bâtardes disposent d’une poignée plus longue, et la deuxième main vient saisir l’épée par le pommeau et le bout de la poignée.

    Les armes européennes d’estoc tardives disposent d’un pommeau de métal qui agit comme contrepoids, équilibrant la lame et permettant une plus grande vivacité. Une épée capable d’estoc doit avoir une pointe légère pour être vive et précise. Or, une pointe légère donne une lame ayant un pouvoir de coupe moindre, fournissant moins d’énergie cinétique à la coupe. Lors d’un mouvement circulaire autour du centre de gravité de l’épée, il constitue une masse en mouvement opposé à celui de la lame. Cela équilibre la dynamique de l’épée et allège la charge de travail des poignets et des avant-bras.

    Sur les armes à gardes à branches, au moins l’une de celles-ci vient généralement se fixer sur le pommeau. Elles peuvent être soit emboitées par une sorte de crochet, soit vissées, notamment lorsque les branches sont en fer (courant sur les épées de type “wallonne”).